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Hommage au journaliste mexicain Javier Valdez

Face à l’état de violence contre les journalistes au Mexique, le CMDE exprime son soutien à tous et toutes les journalistes qui se battent, depuis leurs espaces, pour dénoncer impunité, corruption, et terreur exercés depuis tous les niveaux de pouvoir. Depuis 2012, début du sexennat de Enrique Peña Nieto, 34 journalistes ont été assassinés. Javier est le cinquième cette année. Javier Valdez, comme beaucoup d’autres, nous a permis de comprendre les rouages de cette mal nommée "guerre contre la drogue" depuis le Sinaloa, son Etat d’origine et berceau du narcotrafic. Il a été assassiné le 15 mai 2017 alors qu’il venait d’avoir 50 ans. Comme le décrit John Gibler dans le portrait qu’il lui consacre dans Mourir au Mexique, il était un des derniers piliers du journaliste d’investigation au Mexique... et un maître pour beaucoup de jeunes journalistes indépendants qui combattent le silence en dénonçant, par l’enquête rigoureuse et libre de toutes pressions, au risque permanent de leur vie, les processus de fusion entre l’Etat et le narco.

Suite à l’assassinat de sa collègue et amie journaliste Miroslava Breach, le 23 mars 2017, dans l’Etat du Chihuahua, Javier avait déclaré :  "A Miroslava la mataron por lengua larga. Que nos maten a todos, si esa es la condena de muerte por reportear este infierno. No al silencio." (Ils ont tué Miroslava car elle en disait trop. Qu’ils nous tuent tous, si c’est la peine de mort pour couvrir cet enfer).

Nous relayons ci-dessous le texte d’une compañera...

« Le pire serait d’arrêter de viser les étoiles* »

Je me souviens que des millions de français ont interrompu leur vie un instant, le souffle coupé lorsqu’ils ont appris que des journalistes avaient été impactés par les balles d’hommes lourdement armés à la lumière d’un jour comme un autre, dans Paris. Notre bulle de confort s’est étiolée, brisée. On pouvait être tué pour faire un travail d’information et d’enquête. On pouvait mourir pour défendre ses idées.

Par Emilie Mourgues

Javier Valdez est mort hier au Mexique, à Culiacan dans le Sinaloa. Il a reçu 12 balles de deux pistolets à midi, alors qu’il quittait son bureau du journal RioDoce. Je ne le connaissais pas. Mais il faisait parti de Periodistas de pie, ce collectif d’écrivains journalistes de terrain, qui passent des mois avec les proches de victimes enlevées, torturées, portées disparues ; au contact permanent avec toutes les associations et ONG de quartiers, de villages, de villes de la société civile en lutte mexicaine. Ils luttent pour retrouver leurs morts et leurs disparus, pouvoir faire leur deuil et découvrir la vérité. Ils luttent pour garder leurs terres, ne pas se laisser disloquer la comunidad sous les coups des multinationales, de la faim et de la guerre du Narcoétat mexicain avec les Etats Unis d’Amériques. Ce sont des mamans qui partent à pied -elles appellent ça les caravanes- à la recherche de leur fils ou de leur fille partis à pieds eux aussi vers le Nord. Ce sont des paysans harcelés par l’armée et les paramilitaires de tous gouvernements qui se font tabassés, violés, spoliés de leurs terre, leurs langues, leurs racines, leurs familles et leur peuple.

La comunidad au Mexique, c’est la vie. La vraie vie. Celle où l’on construit, celle où l’on existe, celle où l’on se défend en la défendant, celle où l’on travaille, celle où l’on résiste, celle où l’on aime. Un Mexicain peut vivre à des milliers de kilomètres de sa comunidad, il ne la quitte pas. Elle peut être de sang, de cœur, culturelle ou spirituelle et même tout à la fois. Javier Valdez était de la comunidad des poètes en quête de vérité, défenseur de la dignité à tout prix, la comunidad la plus tenace et barge du monde, de ceux qui restent vivre au cœur de l’enfer qu’ils tentent de détruire. Au milieu de leurs rêves de justice et d’amour. Parce qu’ils ne peuvent pas faire autre chose. Parce que ce sont des Résistants.

iNo al Silencio ! grito el poeta antes de morir

Rendons hommage aux gens qui risquent leur vie par amour de cette vie même, pour que l’Autre cesse d’être étranger à soi même et que demain soit possible.

*Phrase de Javier Valdez